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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/244

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LA LUXURE DE GRENADE

désormais à la femme qu’il tenait par la fluide, l’éternelle chaîne des lèvres mouillées.

D’un seul geste, il déchira de haut en bas la chemise cramoisie, tandis que les bras complaisants faisaient glisser la dalmatique hors des épaules.

Les pétales de roses sur lesquels ils étaient étendus exhalaient l’odeur triste et charnelle des choses fanées et dans les citronniers, un rossignol qui commençait à chanter, s’arrêta.

Abul Hacen ne descendit pas de cheval. Les deux eunuques étaient prosternés, le front dans la poussière de la route. Mais l’ordre de les faire mourir ne tomba pas de la bouche de l’Émir. À quoi bon ? L’ordre de poursuivre les fugitifs, partis à cheval depuis quelques heures, ne fut pas non plus donné. À quoi bon ?

Il avait quitté le siège de Loxa pour venir embrasser la femme qu’il aimait. Elle s’était enfuie avec un homme en qui il avait placé toute sa confiance. Ainsi Allah l’avait voulu. Cette nouvelle ne l’étonnait pas autant qu’il aurait cru. Il lui semblait que sa douleur était depuis longtemps cachée en lui et qu’elle lui apparaissait comme un paysage à un voyageur sur une colline, quand le brouillard se lève.

Il se retourna. Une centaine de cavaliers l’accompagnaient. Le soleil couchant faisait étinceler des cuirasses bombées, miroitait dans les diamants des aigrettes. Il irait à Grenade où il avait besoin de lever de nouveaux soldats, où sa présence calmerait les