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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/261

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LA LUXURE DE GRENADE

des yeux mauvais. De tous les côtés, les hommes étaient sur le qui-vive, animés de pensées de mort, se guettant pour s’entre-tuer. Et lui qui avait élevé son esprit assez haut pour mesurer cette folie meurtrière et la réprouver, il venait de tuer aussi avec l’amour de tuer.

Il se pencha. Le jeune homme gisait défiguré. À côté de lui, son cimeterre avait l’air d’un serpent bleuâtre avec une tête incrustée de pierreries.

Alors Almazan sentit une détresse immense l’envahir. Il remonta à grands pas les étages des jardins, il retraversa sa maison. Il s’élança dans la rue. Il la descendit, puis il en prit une autre. Il marcha au hasard, longtemps. Toutes les fenêtres étaient éteintes et il ne croisait personne. Comme il arrivait aux chaînes qui fermaient son quartier une patrouille de Gomeres l’interpella rudement. Il se fit reconnaître et il vit comme en rêve des visages farouches s’adoucir, des silhouettes avec de hauts casques s’éloigner. Il parvint aux remparts, il les longea et redescendit vers la mer.

Il s’aperçut tout à coup qu’il était arrivé auprès de terrains vagues peu éloignés de sa maison. C’était là qu’on enterrait maintenant les morts, car le cimetière se trouvait hors de l’enceinte de la ville. Mais il y en avait eu tellement, les derniers jours, qu’on avait jeté les esclaves en tas dans une fosse peu profonde et la couche de terre sous laquelle ils reposaient était tellement mince qu’elle n’empêchait pas les odeurs de décomposition de traîner dans l’air par bouffées putrides.

Almazan respira ces odeurs mais il n’en fut pas