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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/260

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LA LUXURE DE GRENADE

qui l’avait toujours frappé. Mais il lui avait suffi d’une seconde pour percevoir dans le pli des paupières et la rouge humidité des lèvres, une joie lourde, une satisfaction de bête repue.

Il sembla à Almazan qu’un brouillard rougeâtre l’enveloppait et rendait sa raison obscure. Il était transporté dans le monde de la jalousie et du meurtre.

L’Almoradi n’avait pas été surpris par lui, marchant furtivement. Sans crainte il avait fait craquer le sable de l’allée. C’est qu’il méprisait son rival comme un homme d’une caste inférieure, celle qui ne portait pas les armes.

La fureur d’Almazan redoubla à cette pensée. Mais il n’eut pas le temps de prendre Tarfé à la gorge ; celui-ci avait tiré son cimeterre et il lui en portait un grand coup avec le tranchant de la lame.

Almazan fit un bond et évita le coup. Il était sans armes. Il regarda autour de lui. Il y avait une bêche de jardinier, enfoncée dans le sol à quelques pas de là. Il la saisit et la leva assez à temps pour parer le deuxième coup porté par Tarfé.

Alors il se mit à frapper de toutes ses forces avec son arme improvisée. Il frappa avec une rage aveugle, atteignant d’abord le poignet de son adversaire, puis la poitrine, puis la tête. Il frappa ensuite sur une masse sanglante qui gisait à ses pieds. Puis il jeta la bêche et il regarda autour de lui les jardins muets, la mer immobile.

Au loin, il y avait des retentissements de coulevrines et parfois un boulet rouge sillonnait le ciel. Les feux des galères ennemies clignotaient comme