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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/27

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LA LUXURE DE GRENADE

t’examinais. Tu avais une mèche brune qui te tombait sur les yeux et que tu rejetais sans cesse en arrière avec impatience. Elle te gênait pour voir. Tu regardais la jambe de mon amie Juana si fixement que j’étais jalouse. Pour un peu, je me serais fait aussi une blessure pour te voir me fixer avec la même attention. Cela se passait il n’y a pas bien longtemps. Un esclave Maure était allé te chercher de ma part. Souviens-toi : Isabelle de Solis.

— Isabelle de Solis, répétait Almazan. C’est toi, Isabelle de Solis ?

— C’est moi. Et puis après ? On t’a dit du mal de moi ? Tu ne me trouves pas aussi jolie qu’on le prétend ? Ah ! ah ! Les nuits chez Aboulfedia sont fatigantes.

Elle s’était mise sur son séant et elle regardait Almazan bien en face, comme si elle le bravait.

Isabelle de Solis avait défrayé toutes les conversations de Séville. Elle était fille de l’alcaïde de Martos et elle avait été enlevée par un aventurier l’année précédente. Son père, homme sévère et pieux, avait juré de la tuer. Il l’avait poursuivie à Séville. Il n’avait jamais pu la joindre. Isabelle de Solis qui avait été abandonnée par son amant s’était fait aimer du capitaine de justice, fermier des douanes royales, qui avait semé tant d’embûches sous les pas du vénérable alcaïde, que celui-ci avait fini par quitter Séville, craignant pour sa vie. On surnommait Isabelle la « hermosa hembra », à cause de sa beauté et de l’audace tranquille avec laquelle elle montrait, quand elle sortait de la messe, les bijoux de famille du fermier des douanes.