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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/28

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LA LUXURE DE GRENADE

Almazan l’avait aperçue de loin et il l’avait admirée. La beauté des femmes l’impressionnait, mais il les fuyait par orgueil, craignant d’être repoussé. Il en était arrivé à considérer l’amour comme un danger, une chaîne sensuelle qui nous attache à ce qui est matériel, nous attire en bas, diminue notre force de pensée. Il avait décidé de le bannir de sa vie.

Comment aurait-il pu reconnaître la « hermosa hembra » dans cette fille demi nue qui courait la nuit le faubourg de Triana ?

Il se pencha sur elle. Ainsi Isabelle de Solis était dans sa maison, sur son lit ! La plus belle jeune femme de Séville était venue d’elle-même lui demander protection ! Et maintenant, avec une grâce équivoque, elle se laissait retomber sur son oreiller, fermant les yeux comme si elle allait dormir, pour les rouvrir tout à coup et le provoquer par un regard oblique et un brusque étirement de ses reins souples.

— Sois chaste, si tu veux être grand par l’esprit, lui avait dit souvent son maître l’archevêque Carrillo.

Il le savait, le plaisir des sens était rapide et suivi de tristesse, il diminuait la capacité intellectuelle, la faculté d’aimer la vie.

Il eut comme un vertige. Une chaleur partit de ses pieds et le parcourut jusqu’à la racine des cheveux. Il eut envie de se jeter brutalement sur cette créature que lui envoyait une mystérieuse fantaisie de la destinée et de la posséder de gré ou de force. Mais elle ne résisterait pas. Il sentait un consentement tacite dans l’abandon des jambes, dans le poids de la tête s’enfonçant dans l’oreiller.