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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/274

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LA LUXURE DE GRENADE

s’éteindre brusquement comme un cierge soufflé par l’haleine d’Allah. Et un nègre tordait les pattes d’un chien afin qu’il se plaignît en langage humain, car le jour du jugement dernier, les bêtes devaient parler.

Une créature aux yeux fous tomba sur le sol dans une crise d’hystérie et saisit Almazan par la jambe. Il se dégagea mais, malgré le dégoût qu’il éprouvait, il ne pouvait se résigner à s’éloigner. Il se rappelait des descriptions qu’Isabelle lui avait faites des parodies de Sabbat chez Aboulfedia. Il se rappelait la fausse horreur qu’elle témoignait, le regret trahi par son regard et le battement de ses seins. Aboulfedia lui avait parlé jadis de cette promiscuité dans la volupté que l’on retrouvait dans les cultes secrets des dieux antiques. Ceux qui avaient pratiqué une fois ces rites, aspiraient à recommencer. Isabelle était peut-être vautrée dans un de ces bouges parmi des filles publiques, se livrant à des hommes dont la lascivité était multipliée par la terreur et par la faim.

Mais où la trouver ?

Des négresses lui firent signe puis essayèrent de l’entraîner. Il ne voyait autour de lui que des faces ricanantes, abjectes.

Al Nefs, l’ange de la luxure ! Il se souvint d’Isabelle avec sa chemise pourpre, quand elle lui était apparue dans les jardins d’Alexaras, sous une voûte de citronniers d’or. Al Nefs n’était pas un ange au beau visage, c’était un démon, c’était mille démons aux formes affreuses, c’était la puissance qui attire en bas l’esprit de l’homme et cause son irrémédiable perte.

Il s’enfuit en courant. Il descendit des rues. Il