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LA LUXURE DE GRENADE

Un peu plus loin, il entendit des clameurs et des femmes qui gesticulaient, le poussèrent au centre d’un groupe, sur le seuil d’une maison.

Un géant à tête de brute brandissait le corps décharné d’une fillette, il levait sur la foule cette momie de cire, aux yeux clos.

C’était un boucher qu’on accusait depuis plusieurs jours d’avoir tué son enfant pour la manger. Saisi de rage, il venait de la déterrer pour prouver le mensonge de ces accusations. Et comme les témoins de cette scène reculaient, criaient, demandaient le châtiment des calomniateurs, le boucher s’assit par terre et se mit à pleurer comme un enfant.

Almazan contourna le quartier mal famé qui était au pied de l’Alcazaba. Les bouges grouillaient d’une vie intense. Les corps reluisaient sous la sueur. Le derviche Massar avait affirmé que l’extraordinaire chaleur était le signe annonciateur de la fin du monde. Cela avait provoqué un redoublement de désir charnel. Par les portes ouvertes, on distinguait des êtres accouplés et Almazan remarqua que les gémissements du plaisir ressemblaient aux râles des morts.

Une femme jetait ses bijoux et demandait de quel côté était La Mecque pour prier. Un groupe réclamait le silence. La trompette d’Israfil avait fait, disait-on, retentir le premier son qui était le son précurseur. Il fallait attendre le deuxième son, celui de la consternation, et le troisième, celui de la résurrection. Quelqu’un criait que le Masihal Dadja, le faux prophète, avait paru et que c’était le roi Ferdinand. Un autre montrait le soleil et disait qu’il allait