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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/289

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LA LUXURE DE GRENADE

flamme insensée luisait dans ses yeux. Une corde enroulée à son poignet droit était attachée au bras d’une jeune fille qui marchait à pied à côté de lui. Elle avait un visage délicieusement pudique et étonné. C’était la jolie juive Rachel, fille du changeur Jéroboam. Ce Jéroboam se tenait à genoux et expliquait que tous les Juifs de Malaga venaient d’être rachetés par un de leurs coreligionnaires de Séville contre vingt mille doublons d’or. La somme avait été comptée le matin au roi Ferdinand.

Le seigneur castillan répondit qu’il avait obtenu en pleine propriété, la veille au soir, la jeune Rachel du roi lui-même et que cette donation était irrévocable. Et comme le père faisait mine de s’élancer sur sa fille pour la retenir, tirant sur la corde, le Castillan la mit en croupe devant lui, il lui écrasa les seins contre sa cuirasse et partit au galop en riant d’un rire fou.

Mais la violence et l’injustice apparaissaient à Almazan comme la norme du monde, la pierre et le ciment quotidien dont les hommes bâtissaient leur édifice. Il avait perdu la faculté de s’indigner. Tout était dans l’ordre des choses et contribuait à des fins ignorées.

Et il ne fit pas un mouvement non plus quand, sur la route de Séville, un de ses gardes dit, en montrant une litière fermée, que précédait un cavalier avec un fanion à sa lance :

— Ce sont les armes de Cardenas. Cette litière doit renfermer la belle renégate à laquelle il tient tant, celle qui lui a procuré la gloire d’entrer le premier dans Malaga.