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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/297

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LA LUXURE DE GRENADE

chavirèrent sous ses paupières. Puis il hurla pour se soulager par ses hurlements. Le brasero, rapproché de ses pieds avec lenteur, en rougissait la chair peu à peu, puis il la fit se gonfler et crépiter. Almazan venait d’entrer dans le royaume rouge de la douleur sans limite.

Ah ! le combat qu’il engageait était plus terrible que celui qu’il avait tenté de livrer à toute une armée en rut dans les rues de Malaga. C’était un combat où l’on luttait immobile, cloué sur un chevalet, avec un Christ infernal au-dessus de sa tête comme consolation et où l’on avait pour adversaire la révolte de son propre corps.

Il était déjà vaincu. C’était trop souffrir. Il allait parler. L’aide du bourreau tira un peu à lui le brasero.

— Votre orgueil est sans bornes, dit la voix où il y avait une vague douceur, un léger triomphe. Revenez à vous, Almazan. C’est votre salut que nous voulons. Parlez. Vous ne trahirez pas. Car nous savons. L’Église connaît tout ce que la pensée des hommes rebelles nourrit contre elle. Je pourrais dire les règles de l’Ordre et la croyance qu’il prétend transmettre. Faire le bien. Apprendre la science des nombres et l’unité de la matière et les correspondances des trois univers. Connaître que l’âme se réincarne. Rechercher la perfection par l’extase. L’extase, n’est-ce pas ? Celle des philosophes grecs, des Ismaïlites, des Albigeois, des Vaudois, de tous les hérétiques. Vous voyez que je suis au courant. Mais je veux entendre tout cela de votre bouche. Parlez. Vous allez parler.

Almazan vit le brasero se rapprocher de ses pieds.