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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/299

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LA LUXURE DE GRENADE

Sans doute l’aide du bourreau qui tenait le pinceau le promena sur ses jambes car la douleur d’Almazan redoubla. Il brûlait entièrement. Chacun de ses nerfs semblait autonome et lui apportait une souffrance séparée et particulière. Sa pensée pourtant demeurait active et lucide et lui faisait voir, avec une étrange netteté, les détails des choses qui l’environnaient.

Il remarqua que les aides du bourreau et le bourreau lui-même avaient leur cagoule rejetée sur leurs épaules au lieu de la porter sur leur tête, selon l’usage. Il examina sur la face de l’inquisiteur une verrue près de son œil droit et il put distinguer toutes sortes de souvenirs de son enfance dans la fumée du brasero tordue en spirales devant lui. Et en même temps, comme mille vibrations de serpents vivants, la douleur palpitait en lui.

Mais c’était trop. Il avait bien compris au mystère des inflexions de la voix ce que voulait l’homme derrière lui. Ce n’était pas des noms, des indications précises afin de frapper d’autres victimes. Non, il ne tenait pas à cela. Ce qu’il voulait, c’était obtenir une abjuration morale, le renoncement à cette foi plus haute que toute religion, au culte de la vérité qu’Almazan avait entrevu.

La souffrance était trop grande. Un homme ne peut pas y résister avec sa faible force. Abjurer ? Faire des aveux ? Eh bien, soit ! il allait abjurer, dire tout ce qu’il savait et même davantage, à la condition que cette flamme s’éteignît et qu’on le laissât ensuite reposer en paix. Il était prêt à faire pénitence, à demander pardon à genoux, à embrasser les genoux de l’invisible vieillard.