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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/300

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LA LUXURE DE GRENADE

Les charbons du brasero, et l’huile, et la chair brûlée faisaient une fumée si épaisse qu’elle s’étendait en nappe au-dessus de lui et qu’elle cachait l’image du Christ. Et soudain, à la place de ce Christ, Almazan contempla une scène extraordinaire.

Dans un paysage qu’il n’avait jamais vu, sous les ruines d’un temple peut-être, aux limites d’un désert, trois hommes vêtus comme des Orientaux étaient assis sur le sable et Christian Rosenkreutz se tenait devant eux. Il allait partir. L’un des trois hommes lui montrait la direction de l’Occident. Il avait l’air de dire : « Va, sois le porteur de la vérité. »

Almazan contemplait leurs visages calmes sous leurs turbans et un ciel, derrière eux, d’un bleu inouï. Rosenkreutz faisait un signe de la main, se mettait à marcher et c’était tout, la fumée se dissipait aux yeux d’Almazan.

Il savait quelle était cette scène. Rosenkreutz la lui avait racontée. C’était auprès de l’antique Palmyre, dans les ruines d’un temple où jadis Apollonius de Tyane avait passé de nombreuses années de méditation. Les hommes bons et sages qui détiennent les secrets de la connaissance avaient fait venir Rosenkreutz de son couvent d’Allemagne et étaient eux-mêmes descendus des lointaines lamaseries du Thibet pour le charger de transmettre en Occident une partie de la vérité éternelle, à ceux qui en étaient dignes. Et lui, Almazan, était de ceux-là. Il avait été choisi. Mais il avait été choisi à tort. Pour le plaisir de ce corps, il avait naguère quitté les Frères de la Rose-Croix à Grenade. Et maintenant, pour échapper à la