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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/309

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LA LUXURE DE GRENADE

C’était un peu de leur pensée qui l’accompagnait à travers les rues Mauresques de la catholique Séville, dans sa promenade vers la mort ; et il les remercia tous intérieurement.

À une fenêtre d’un hôtel neuf, blanche sur l’ombre de l’architecture massive, il y avait une silhouette de femme, au milieu d’un cadre de gaze dorée et de velours byzantins aux reflets mauves. L’unique regard qu’Almazan jeta de ce côté lui permit de voir les armes de la famille des Cardenas sur le fronton de la porte et la silhouette de la femme qui se penchait un peu, et le voile en tissu lamé d’argent qui s’écartait comme deux pétales blancs et un ovale de chair tendre entre ces pétales, comme la pulpe printanière de la fleur et des prunelles où l’or était rouillé, embué, éteint.

Un regard unique ! À peine si son cierge frémit dans sa main et si sur sa tête trembla le coroza pyramidal, le bonnet grotesque de l’impénitent endurci.

Et dans les vociférations humaines, la clameur de bronze des cloches qui s’étaient remises à sonner, Almazan perçut un murmure de syllabes qu’aucune bouche n’articulait, qu’aucune âme consciente ne formulait mentalement, mais qui étaient dites pourtant :

— J’ai été le parfum terrestre de ta vie. Quand ton esprit voulait s’élancer vers le ciel, je te faisais tomber sur le lit où tu jouissais de moi. J’ai été ton plaisir et ta douleur, la forme impudique du corps humain, l’apparition sous les citronniers, les mystères des jardins de l’Alhambra, le poison des nuits qu’enflammait la guerre. J’ai désiré tellement reposer