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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/37

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LA LUXURE DE GRENADE

se trouva, face à face, avec l’archevêque Carrillo, assis dans un grand fauteuil, qui le regardait fixement avec des yeux ronds et blancs. Sur la table où il était en train d’écrire, était posée sa main longue et puissante. Cette main extraordinaire avait l’air d’avoir été sculptée dans un bloc de craie, et ce fut à sa lividité et à la couleur rougeâtre des veines qui la sillonnaient comme des serpents, qu’Almazan reconnut qu’il était en présence d’un homme mort.

Il avait péri par le même poison que son serviteur. Il s’était mis devant sa table et la mort l’avait frappé pendant qu’il écrivait.

Les traits du visage n’étaient pas bouleversés. Le front semblait plus grand. Les yeux étaient terribles. Almazan tenta de les fermer. Mais les paupières résistaient, se relevaient. Il ne réussit qu’à demi et l’archevêque avait l’air de lancer en dessous un oblique regard vitreux.

Almazan vit son nom sur le papier que la main de craie avait l’air de désigner avec l’ongle de l’index. C’était un morceau de papier de lin arraché à la hâte à un cahier qui était à côté et où l’on voyait la partie du feuillet déchiré qui était demeurée jointe aux autres.

Il lut quelques lignes d’une écriture torturée.

— Je vais mourir avant que tu ne sois arrivé, sans avoir pu te dire ce qu’il fallait à tout prix que tu saches. Ces feuillets que je pose sur la table, te mettront partiellement au courant. J’ai été insensé d’attendre ! On ne croit jamais qu’on mourra. Je ne pouvais pas savoir qu’ils me craignaient à ce point. J’aurais dû penser qu’à mesure que je me dépouillais