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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/45

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LA LUXURE DE GRENADE

la clef qu’il tenait à la main semblait un os qu’il allait ronger. Le profil d’oiseau d’un de mes pages s’était accusé au point qu’il paraissait accablé par le poids d’un bec. Mes gardes, dont les cuirasses miroitaient comme des corselets, étaient des insectes qui levaient leur dard. Un paysan, à quatre pattes devant un ruisseau, lampait l’eau avec une mâchoire laineuse comme celle des moutons. Je voyais des figures léonines, des corps souples comme ceux des serpents, des mains où poussaient des serres comme celles des vautours et d’autres qui se palmaient comme celles des canards. Le prieur des dominicains avait relevé la tête et me regardait de ses prunelles d’extase remplies de néant. Et je fus obligé de faire un grand effort de volonté pour ne pas siffler, aboyer, croasser, rugir. Je le quittai à la hâte, en me disant que l’Antéchrist aurait une pareille puissance de vide au fond des yeux et que son règne ne serait marqué par aucune catastrophe visible mais par un mouvement intérieur de l’âme humaine vers la Bête qui est le suprême péché.

« J’ai appris, il n’y a pas longtemps, que ce Thomas de Torquemada avait été élevé au rang de confesseur de la reine.

« Les Rose-Croix ! Un ordre secret qui a pour but de défendre et de transmettre l’intelligence. Y a-t-il des hommes assez désintéressés et assez purs pour en faire partie ? Et moi, pourquoi m’a-t-on choisi ? En suis-je digne ?