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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/54

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LA LUXURE DE GRENADE

la salle basse et ce subit afflux de bien-être que donne la nourriture, le firent sommeiller malgré lui. Le front appuyé sur son bras, il lutta quelque temps, puis il se laissa aller à une sorte de torpeur.

Dans la brume de ce sommeil transparent, la fille, dont il voyait la tête et le torse entre deux cruches de terre, au-dessus d’un comptoir, se mit à sourire et ce sourire fit éclater des dents lumineuses. Elle se pencha et un rayon qui venait de la porte entr’ouverte joua sur son cou qui était mince et laiteux. Elle n’était pas brune. Un or clair coulait autour de sa tête délicate. Elle semblait tendue vers Almazan et son sourire avait fait place à une expression subitement ardente. Elle avançait légèrement les lèvres vers lui et elle plissait ses paupières comme si elle l’appelait avant de se pâmer.

Il se redressa soudain, il passa ses mains sur son visage. Il comprit, à la lumière qui éclairait la salle de l’auberge, que le soir tombait. La fille trapue avait quitté le comptoir et errait lourdement, l’œil atone.

Il lui tendit une pièce d’argent. Il sauta sur son cheval.

— Un retard de quelques heures, songea-t-il. Il faudra bien qu’Aboulfedia me dise où je pourrai la rejoindre.

Il ne voulut pas réfléchir. Son instinct le poussait. Et c’est sur la route de Séville qu’il s’en revint, à travers le crépuscule.