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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/57

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LA LUXURE DE GRENADE

Almazan attendit assez longtemps. À la fin, impatienté, il s’approcha de la porte qui était au fond, il souleva l’étoffe lourde qui la recouvrait et il allait l’ouvrir quand elle tourna sur ses gonds, brusquement, et il se trouva face à face avec Aboulfedia.

Il était vêtu d’une gandourah arabe aux manches larges sous laquelle il ne portait qu’une chemise en soie rose et transparente, très échancrée. On voyait au travers son ventre énorme et ridicule et même les poils grisonnants de sa poitrine. Ses rares cheveux d’un noir de jais, récemment teints, étaient collés sur ses tempes par un cosmétique humide. Il était bouffi, reluisant d’onguents, imprégné d’aromates, poli par les massages et il tremblotait sur les minuscules baguettes de ses jambes comme une outre peinte, au milieu d’un parfum de rose orientale et d’homme gras.

Il se hâta de refermer la porte derrière lui. Sa face large s’était éclairée à la vue d’Almazan. Il avait toujours l’air de rire à cause de la grandeur de sa bouche et de deux rides qui l’encadraient. Mais il apparaissait étonnamment triste dès qu’on s’était aperçu que cette gaîté ne provenait pas de son humeur, mais seulement de la conformation de ses traits.

Tout de suite il parla avec volubilité.

Il savait tout. Les nouvelles couraient plus légèrement que les cavaliers sur les routes. On cherchait partout Almazan. Un grand personnage qu’il avait visité le matin même avait été trouvé mort aux environs de Séville. Maintenant il se cachait. Il avait bien fait de songer à son vieux maître en médecine, le