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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/58

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LA LUXURE DE GRENADE

réprouvé Aboulfedia. Ses actions ne regardaient que lui. Il était en sûreté dans cette maison de Triana.

Almazan ne put s’empêcher de rougir et il songea pour la première fois combien sa démarche était insolite. Il se hâta de se disculper. Il n’avait rien à craindre. Tant de bruits courent qui ne reposent sur rien ! Le gouverneur de Séville avait, en main un document qui légitimait son absence. S’il était venu trouver Aboulfedia…

Il baissa la voix. Il avait beaucoup de peine à expliquer le but de sa visite. Il en sentait l’étrangeté. Et puis l’atmosphère de la maison, le costume d’Aboulfedia, la lourdeur des parfums, la malpropreté somptueuse des choses lui causaient un malaise physique.

Les yeux du vieux médecin clignotaient maintenant avec ironie et son menton en proéminence, fendait encore plus largement sa bouche.

— C’est à propos de cette affaire, dit Almazan. Je suis venu te consulter sur la puissance de certains poisons. Crois-tu qu’on puisse rendre mortelle l’atmosphère d’une chambre au point, d’amener une décomposition du sang presque immédiate chez celui qui respire cette atmosphère ?

Mais Aboulfedia le prit par les épaules et le secoua doucement.

— Pourquoi ce manque de sincérité ? Ne t’ai-je pas enseigné tout ce que je savais sur les poisons ? Quand je suis allé à Rome faire cette folle tentative de convertir le pape au judaïsme, j’ai appris de ces maîtres en l’art d’empoisonner que sont les Italiens, qu’on peut faire mourir quelqu’un rien qu’en lui effleurant un ongle ou un cheveu. La vie est si peu