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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/61

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LA LUXURE DE GRENADE

près du nez, comme la trace de la morsure d’une bête.

Sur un signe de son maître, elle disparut en se dandinant et en faisant remonter sur ses reins sa jupe courte pour faire voir ses jambes.

Aboulfedia remplit jusqu’au bord, d’un vin épais, deux coupes ébréchées et il en vida une d’un trait.

— Ah ! tu as raison, Almazan, reprit-il, de venir me trouver ce soir. Il y a l’âge des sens, il y a l’âge de la pensée et à la fin, peut-être, il y a l’âge de la sagesse. Malheur à celui qui est sage trop tôt ou qui commence par penser. Tu vas redevenir mon élève. Mais ce que je vais t’enseigner est plus beau que la philosophie d’Aristote ou celle d’Averrhoès.

Aboulfedia se rapprocha d’Almazan et il lui parla tout près, à voix basse, lui soufflant l’odeur du vin qu’il avait bu.

— Il y a des secrets, oui, oui, et je les connais. Le plaisir charnel n’est jamais simple. S’il n’était pas commandé par le cerveau, ce ne serait qu’un frisson le long du corps et une grimace rapide. L’amour d’un homme pour une femme n’est qu’un jeu d’enfants. La débauche seule est belle. Il faut pénétrer dans le palais maudit pour connaître les enchantements de la nature et en savourer l’ivresse terrible. Quand on y est entré une fois il n’y a pas d’exemple qu’on n’ait voulu y revenir. Les soi-disant débauchés qui sont devenus des saints, s’en étaient tenus au simple accouplement, à la manière des bêtes. La débauche ! Les anciens en faisaient une forme de la religion et ils étaient dans le vrai. Ils adoraient Priape, Pilummus, Tryphallus, Angerona, Genita-Mana, Tutana, Typhon et mille autres et les fêtes de