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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/60

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LA LUXURE DE GRENADE

tournaient vers le ciel. Avenar avait dû se tromper de quelques heures et nous attendîmes les nuits suivantes. Insensé que j’étais ! Je n’avais pas compris que c’était la révélation de ma destinée que cet astrologue avait vu dans les planètes et que mon Messie était bien venu pour moi sous la forme magnifique d’une fille publique. J’attendais devant ma porte et le Messie était dans mon lit. Des années ont passé. Et c’est seulement quand mon visage fut devenu jaune comme une orange gâtée, quand mon ventre se fut enflé d’une façon caricaturale que je sus tout le plaisir en puissance dans la jeunesse et qu’il n’y a pas de Dieu pour nous le défendre, rien que la mort pour nous le voler à jamais.

Aboulfedia marchait de long en large dans la pièce et Almazan regardait avec étonnement son costume obscène, la trompeuse gaîté de sa bouche, la flamme désespérée de ses petits yeux.

— Mais tu as fait du chemin, dit-il tout d’un coup, tu dois avoir soif.

Il examina avec une pointe de mépris le costume poussiéreux de son hôte, puis il entr’ouvrit la porte par où il était entré et il appela quelqu’un dont Almazan ne distingua pas le nom.

Une minute après, une enfant d’une douzaine d’années à peine pénétra dans la pièce, portant un plateau de métal. Ses bras grêles et ses jambes fines étaient nus. Elle avait deux tresses brunes qui tombaient sur ses épaules graciles et son visage était celui d’une petite vieille. Elle regarda Almazan effrontément, presque sous le nez et se mit à rire. Il lui manquait une dent et elle avait une cicatrice double