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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/66

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LA LUXURE DE GRENADE

Il sembla à Almazan que les paupières d’Isabelle de Solis s’étaient mises à battre plus rapidement quand il avait regardé à travers les losanges du treillis d’or et qu’elle avait eu un imperceptible mouvement de la tête. Pouvait-elle se douter qu’il était là ?

Il était pénétré de surprise, d’admiration et d’un sentiment analogue à celui qu’inspire la découverte d’un crime.

— Lilith était antérieure à Ève, d’après les talmudistes, murmura Aboulfedia. L’homme l’aima, d’un amour idéal et le véritable péché originel fut la pollution d’un corps vierge qui avait été créé pour la beauté et non pour la jouissance physique.

Isabelle de Solis s’était soulevée. Elle appuyait sa tête sur son coude. On voyait luire ses prunelles comme des gouttes d’or phosphorescent. Elle avait l’air d’une panthère qui se réveille pour la chasse ou pour l’amour.

Et tout d’un coup elle saisit l’orange qui était près d’elle, elle en arracha des morceaux de peau et elle se mit à les lancer dans la direction des coussins qui étaient sur sa droite, visant avec soin, son visage puéril devenu soudain rempli d’attention.

Almazan s’aperçut qu’il y avait une forme couchée parmi ces coussins. Le buste mince d’un tout jeune homme émergea. Il souriait d’un sourire lassé, ses traits étaient flétris et ses immenses yeux agrandis par le khol étaient humides et sans lumière.

Mais Almazan n’eut pas le loisir de le considérer. L’étoffe soulevée par Aboulfedia venait de retomber devant lui. Le vieil homme soufflait de colère, il criait :