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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/67

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LA LUXURE DE GRENADE

— Je t’y prends ! Ne te l’avais-je pas défendu ? Ce fils de gitane que j’ai tiré de la boue ! Mendiant ! Porc !

Il s’agitait dans l’obscurité, ne trouvant plus la porte, trépignant. Pendant que de l’autre côté, comme une cascade au printemps, comme des pierres précieuses agitées par un orfèvre dans un invisible coffret s’élevait, tombait et chantait le rire d’Isabelle de Solis, toute nue parmi les faïences bleues.

Aboulfedia traversa la première pièce et disparut, sans doute pour gagner la chambre où était la piscine et châtier Bélial de s’être baigné auprès de Lilith.

Mais Almazan ne le suivit pas. Il en avait assez vu. Il n’aspirait plus qu’à s’en aller très loin, qu’à oublier le vieux médecin, la jeune femme et leurs compagnons obscènes.

Il s’élança dans le jardin, retrouva son cheval, fit un signe impérieux au serviteur borgne qui était près de la porte et il s’enfuit.

La route tournait entre deux hauteurs rocailleuses et au fond de l’horizon apparurent, solides, légendaires, ensoleillées, comme des sœurs de pierre parmi des murailles d’ocre, les vingt-quatre tours carrées de l’Alhambra.

Elles dominaient un amoncellement coloré de dômes couleur de turquoise, de mosquées couleur de perles mates, de terrasses plates bordées d’azulejos couleur d’émeraude, de portiques couleur d’améthyste. Grenade ! La ville s’étageait aux flancs de