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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/69

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LA LUXURE DE GRENADE

visage quelque chose d’inintelligent et même de bestial. À la magnificence de ses vêtements, Almazan pensa qu’il devait appartenir à une riche famille. Il s’était arrêté aussi, surpris de l’hostilité de ce jeune homme et il allait lui demander ce qu’il voulait, quand l’inconnu, poussant un sourd gémissement qui souleva sa poitrine, éperonna son cheval et s’éloigna à toute vitesse sur la route.

À peine avait-il disparu qu’un autre cavalier arrivait et, avant qu’Almazan ne fût revenu de son étonnement, il mettait pied à terre et il lui adressait plusieurs saluts obséquieux.

C’était un vieillard avec de gros yeux humides et un certain embonpoint.

— Seigneur, veuillez l’excuser, dit-il. Vous avez l’air étranger et vous ne le connaissez pas. Est-ce qu’il vous a dit quelque injure ? Est-ce qu’il vous a donné un coup ? Dans ce cas…

Le vieillard porta la main à sa ceinture.

Almazan allait répondre que, s’il en avait été ainsi, il se serait chargé de punir lui-même le jeune homme. Mais le vieillard ne lui en laissa pas le temps. Il touchait son front avec son doigt et il jetait un flot de paroles.

— N’est-ce pas un grand malheur ? Il n’a pas vingt ans et quelle incomparable beauté ! Vous pouvez vous imaginer quel chagrin cela cause à son père. Mais on croit qu’il n’y a aucun remède. Tout le monde est au courant à Grenade car il appartient à la plus grande famille de la ville. C’est un Almoradi. Aussi les Zegris n’ont pas manqué d’en profiter pour répandre toutes sortes de calomnies. Cela lui a pris