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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/68

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LA LUXURE DE GRENADE

trois collines entr’ouvertes, comme les morceaux ruisselants d’une grenade d’où aurait coulé un fantastique torrent de métaux précieux, de faïences et de bijoux, parmi des bois de lauriers roses et des bouquets de pistachiers.

Almazan regardait autour de lui miroiter les innombrables canaux d’irrigation qui dataient du temps des khalifes Ommeyades. Des hommes marchaient dans les cultures. Des vignes rousses étalaient leur abondance. Une impression de richesse et de joie montait des plaines fertiles.

Grenade ! Almazan se rappela tout ce qu’il avait entendu dire de la vieille cité arabe. Là, les poètes et les savants étaient honorés avant les guerriers. Nul n’était persécuté pour ses croyances religieuses. Dans la blancheur des palais embellis par l’art des siècles, s’entretenaient, raffinés et subtils, les descendants de la race qui avait vaincu le monde.

Une jeune femme, accroupie devant une maison basse et qui s’exerçait à jouer d’une darbouka, lui fit de loin un signe amical de la main. Ce geste et la musique qui résonnait furent pour lui le symbole matériel de l’hospitalité des Arabes et de leur amour de la beauté.

Il se hâta. Il apercevait au fond de l’horizon la masse formée par la porte d’Elvire.

Un cavalier s’avançait, au galop. Quand il fut à deux pas de lui, il s’arrêta brusquement et le considéra d’une façon menaçante. C’était un jeune homme, d’une vingtaine d’années à peine, au teint plus bronzé que la plupart des Maures qu’il avait rencontrés. Il était d’une grande beauté, mais il avait sur son