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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/78

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LA LUXURE DE GRENADE

d’Aïxa flottaient autour d’elle comme un fluide opaque. Elle prétendait que Khadidja introduisait, chaque nuit dans sa chambre, un des Africains préposés à la garde des portes de l’Alhambra. Cette calomnie, toujours présente à son esprit, se refléta dans son regard et le pli de sa bouche. Le jeune Boabdil, à côté de sa mère, trahissait aussi sa haine contenue, mêlée à un obscur désir d’humilier par la possession.

— Je vous quitte à mon grand regret, soupira Khadidja en se penchant un peu comme si elle allait se briser. J’ai oublié sur ma fenêtre, dans un vase d’albâtre, un liquide précieux, tellement précieux ! Il est composé d’essences fines auxquelles le moindre rayon de lune est contraire. Or la lune va se lever.

— Et à quoi doit servir un pareil liquide ? dit Aïxa avec un ricanement.

Khadidja leva vers le ciel la plus petite main du monde, avec des doigts merveilleusement fuselés, qui ressemblaient à des cristaux, où les ongles auraient été enchâssés comme des bijoux.

— La nature a de telles imperfections ! dit-elle. C’est un liquide pour blanchir la peau des mains et la rendre moins grossière. Je vous en donnerai, non pour vous, mais pour vos servantes, si toutefois la lune ne l’a pas gâté.

Or, c’était le désespoir d’Aïxa, malgré les soins qu’elle donnait à sa personne, de ne pouvoir atténuer ni la rougeur ni la grosseur de ses mains vulgaires. Vainement, les masseurs de l’Alhambra les avaient pétries d’onguents et baignées de lait. Sous les bagues qui les cachaient mal elles restaient comme la tare