Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
LA LUXURE DE GRENADE

exerçait la profession décriée d’épileur, dans laquelle il passait pour très habile !

La princesse Khadidja avait un secret dont elle mourrait peut-être, mais qu’elle ne dirait à personne. C’est à cause de ce secret qu’elle s’était juré à elle-même de ne jamais aimer aucun homme.

Elle, dont l’effort constant tendait à spiritualiser sa forme matérielle, elle qui avait une peau plus transparente que l’eau d’une source quand elle sort d’un rocher, elle qui reflétait par le vert clair de ses yeux la pensée dans son essence ineffable, portait sur l’aine une touffe de poils drus, de poils obliques, laids et puissamment plantés. Ils avaient poussé sans raison dans son enfance, par l’inconcevable mystère de quelque souillure originelle. Ils étaient le symbole de la Bête, le lien terrible qui unissait à la matière cette créature idéale.

Elle s’était résignée à porter sur elle ce sceau d’Iblis. Mais voilà qu’elle revoyait le seul homme qu’elle avait cru pouvoir aimer, le médecin Almazan qui était venu une fois chez son père, à Malaga. Il accompagnait un médecin juif qu’on avait consulté sur la maladie dont sa mère était morte. Elle et lui s’étaient tenus ensemble quelques instants sur un mirador tourné vers la mer. Elle s’était étonnée qu’il parlât la langue arabe sans accent et il avait répondu que si l’on aimait ce qu’on désirait connaître, on le connaissait aussitôt. Paroles à double sens peut-être ! La conversation s’était bornée là et l’insensée princesse s’était vouée à ce souvenir.

Contre toute attente, le médecin réapparaissait sur son chemin. C’était peut-être un effet de la protec-