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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/81

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LA LUXURE DE GRENADE

Peut-être, à l’exemple de tant de savants arabes, cherchait-elle la pierre philosophale !

Sa chambre était encombrée de bocaux, de vases et de poudres. Quelqu’un émit l’hypothèse qu’elle voulait capter la force des rayons du soleil avec certains verres de forme spéciale et la condenser dans certaines pierres pour en faire de puissants talismans magiques. Elle avait fait venir toutes sortes de verres servant aux lunettes et on l’avait vue les tendant vers le soleil et essayant de brûler par ce moyen le léger duvet de ses bras. Ou plutôt n’avait-elle pas simplement une liaison avec un parfumeur ou même avec l’apprenti d’un parfumeur ?

Roulée dans la soie verte de son albornos aux franges d’argent pailleté, à l’heure où se ferment les boutiques, elle s’était glissée dans l’Albaycin et, par un long détour, était parvenue jusqu’à la célèbre rue des parfumeurs qui aboutissait à la place de Bibarrambla et qui embaumait le quartier avec les effluves de toutes les essences odorantes connues. Elle avait dévalisé le parfumeur persan. Elle avait emporté tous les onguents et toutes les pâtes du parfumeur arabe et tous les flacons du parfumeur hindou. Un esclave nègre, un esclave chrétien et un enfant tunisien, reconnaissable à son fez rouge, marchaient derrière elle à son retour, portant des coffres remplis.

Abul Hacen avait lu un message pressant qu’elle adressait au sultan de Tunis et il était resté confondu d’étonnement. Elle suppliait le sultan de lui envoyer sans aucun retard, de gré ou de force, à prix d’or ou par menace, un personnage de mœurs dissolues, nommé Hassan, qui vivait avec la lie du peuple et