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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/86

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LA LUXURE DE GRENADE

organisation du temps de Muhamad Alhamar et après Alexandrie et Bagdad, Grenade est la ville où l’on peut errer la nuit avec le plus de tranquillité. Si nos réunions sont secrètes et si notre fraternité ne doit pas être divulguée, ce n’est pas parce que nous avons quelque chose à craindre d’Abul Hacen. Il professe la tolérance pour toutes les formes de croyance et il impose cette tolérance même aux plus fanatiques des Alfaquis. Mais les trois hommes sages qui ont fondé notre ordre savaient que la possession de la vérité et l’amour du bien faisaient naître pour ceux qui étaient arrivés à cette possession et à cet amour, un immédiat danger de mort. Aussi les trois hommes qui m’ont appelé en Orient puis qui m’ont envoyé ici, prescrivirent que le premier devoir des Rose-croix était de sceller à jamais leurs lèvres sur la mission dont ils étaient chargés.

— Voilà ce que je ne peux comprendre, dit Almazan. Pourquoi ne pas agir au grand jour ? Pourquoi ne pas répandre la pensée comme une clarté autour de laquelle accourraient aussitôt ceux qui se débattent dans les ténèbres. Que de maux seraient évités, que de temps serait gagné de la sorte ! Pourquoi rester une aristocratie d’élus qui possèdent un trésor spirituel et qui n’en daignent distribuer que des parcelles ?

La rue qu’ils suivaient gravissait une pente entre des murailles blanches d’où pendaient des feuillages de grenadiers. On ne devait plus être très loin des remparts de la ville. Almazan perçut derrière lui le pas étouffé de quelqu’un qui marchait. Il voulut s’arrêter. Rosenkreutz l’entraîna.

— Toutes les civilisations ont péri, reprit-il, parce