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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/93

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LA LUXURE DE GRENADE

se réincarne dans des formes humaines successives. Il a été Pythagore, Jésus-Christ, Mahomet.

Des clameurs s’élevèrent.

— Moi je viens de l’entendre à Alexandrie, dit un homme qui était vêtu d’une misérable robe de bure et portait un bâton de pèlerin. Il habite le corps d’un enfant de six ans et il prêche la loi dans les faubourgs avec plus de science qu’un docteur.

— À quoi bon tout cela, murmurait Tawaz, avec un sourire fatigué. Nous faisons partie d’une humanité qui s’est trompée, qui a suivi un chemin rétrograde et descend vers la barbarie. Un peu de musique est supérieure à toutes les philosophies.

Même quand Rosenkreutz affirma que c’était dans le royaume de Grenade que la civilisation du monde s’était réfugiée et que, de là, elle devait s’étendre sur l’Occident, il y eut un concert de protestations.

Les uns répondirent que Bagdad devait demeurer le cœur spirituel de la terre et que c’était là qu’il fallait se rendre pour puiser dans cette patrie de la pensée la force nécessaire aux sages. D’autres crièrent :

— Et Alexandrie !

Et une voix en fausset ajouta :

— Revenons dans l’Inde, notre mère !

Mais on remettait en question le but de l’Ordre des Roses-Croix auquel on avait d’abord adhéré.

À quoi bon éclairer des barbares tels que les Castillans ou les Andalous ? Et les autres, ceux qui étaient au-delà des Pyrénées, n’étaient-ils pas pires ? Autant valait tourner son effort du côté des nègres de l’Afrique. D’ailleurs Rosenkreutz avait promis de faire venir à Grenade des savants et des philosophes