Aller au contenu

Page:Magre - La Tendre Camarade, 1918.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
LA TENDRE CAMARADE

qu’elle a meublés avec une extrême magnificence, et dans ces chambres les filles d’officiers de marine viennent rencontrer pour une heure des hommes qu’elles ne connaissent pas. Dans la première chambre il y a tant de glaces qu’on ne peut faire un mouvement sans s’apercevoir sous tous ses aspects. Et cela a l’avantage, quand on s’étend sur le lit, de croire qu’on n’est plus soi-même, car on ne reconnaît pas sa propre forme. Ce qui frappe dans la seconde chambre, c’est la figure austère des vieux parents de Mme Rosalie, dont les portraits sont de chaque côté de la porte du cabinet de toilette, comme pour attester que ce lieu est le séjour d’un monde bourgeois et respectable.

Mais Aline préfère la troisième chambre parce que c’est celle où l’électricité, à cause d’un abat-jour d’étoffe, ne jette qu’une lumière affaiblie. Et elle sait que les gestes d’amour qu’on n’a pas envie d’accomplir sont un peu moins tristes quand il y a plus d’ombre.

Et puis on ne sait quelle main a gravé sur la glace un cœur percé d’une flèche. Et malgré tout, cet emblème ridicule, quand elle le regarde et quand elle en touche du doigt le dessin, évoque une seconde pour elle une vraie étreinte et un vrai baiser.