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Page:Maindron - Dans l’Inde du Sud.djvu/94

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mais sans dépasser le seuil, tu verras peu, tu entendras moins, tu ne comprendras rien et tu t’en iras au regret, pareil à tous ceux qu’a épuisés le désir de délier la ceinture de la déesse. Elle s’est résolue entre leurs mains comme la sacrée Ganga a fui entre les doigts de Çiva, comme la fumée du brasier que prétend retenir le poing fermé de l’enfant, comme le nuage qui passe en changeant sa forme, comme le souffle de la brise qui ride la surface des eaux. Réjouis tes yeux, voyageur, mais n’oublie pas que c’est là se désaltérer au mirage ! »

Oui, sans doute, petite bayadère aussi fluette et fragile que ces figurines de pâte, peintes et dorées à merveille par la main habile des mouchys, tu es bien le génie familier de l’Inde. Je vénère en toi la contrée-mère, luxuriante et aride, ses cités aussi vite élevées que détruites, ses temples dont une moitié disparaît sous l’or tandis que l’autre tombe en ruines, ses routes et ses rues où se coudoient l’infirme lépreux chargé de tous les maux dont souffre l’homme, et l’altière brahmine alourdie par ses entraves d’or. Je vénère en toi l’Inde toujours asservie et toujours libre, rebelle à ce que l’humanité moderne prétend appeler le progrès. De toi