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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/267

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dons notre clientèle momentanée au restaurant Brouillard. Après quoi, sous la garde d’agents en bourgeois, nous roulons vers le dépôt, dans un omnibus de campagne, également à nos frais. L’obligeant fonctionnaire s’était fait un scrupule de nous diriger sur Paris à pied, ses placides administrés nous attendant sur la grand’route pour nous écharper.

Après quarante-huit heures de cellule, Bécu et moi sommes remis en liberté, notre autre camarade nous rejoignit quelques jours plus tard.

N’ayant pas été trouvé porteur d’arme, j’échappai, cette fois, aux amertumes de l’exil. Mes compagnons, possesseurs d’un revolver, passèrent plus tard en jugement et furent condamnés à la prison, aggravée de l’expulsion pour Voghera.

Celui-ci, en attendant, vint au groupe cosmopolite avec son ami Rovigo et tous deux eurent bientôt attiré une bande de compatriotes dignes de recommencer à Belleville l’expédition des Mille. Que sont-ils devenus, ces camarades enthousiastes, dont les « Porca Madona ! » faisaient trembler le passage des Rondonneaux ?

L’élément révolutionnaire italien est brave ; son défaut est l’intolérance, une intolérance qui n’a rien à faire avec la large conception d’anarchie. Des siècles de foi brûlante, ont faussé chez nombre de Latins le sens de la liberté. Quelques-uns, et des plus sincères, n’avaient-ils pas formulé cet article de foi inouï, qui eût fait reculer un pape : « Quiconque signe un livre ou un article de journal, ne peut être anarchiste. »

Quelle aberration grotesque ! supprimer ce sentiment d’individualité, orgueil si l’on veut, mais stimulant indispensable pour s’élever et élever avec soi les autres