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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/39

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jestueuse de ses arbres, dont une espèce conserve l’appellation donnée par le navigateur anglais (pin colonnaire), explique pourquoi le nom européen s’est peu à peu substitué au nom indigène. L’île, habitée par quelque trois mille Canaques sous l’autorité nominale de la reine Hortense et sous celle, beaucoup plus effective, des missionnaires, servait alors de résidence à quatre mille déportés, répartis en quatre communes. Des compatriotes d’Abd-el-Kader, insurgés de 1871, l’habitaient également, à titre forcé et constituaient à Gadji, une cinquième commune, dite des Arabes. Elle mesure, du nord au sud, environ vingt kilomètres et, de l’est à l’ouest, à peu près douze : le pic N’ga, la domine d’une hauteur de deux cent soixante-six mètres. Le commandant militaire, homme intelligent, avait eu l’excellente idée d’installer au sommet de ce cône, dénué d’ombre et grillé du soleil, un poste d’observation où l’on envoyait les gardes-chiourmes coupables de peccadilles : ils s’y torréfiaient ainsi dans un ennui mitigé d’abrutissement.

Du reste, nous constatâmes avec plaisir que l’élément militaire et l’élément geôlier, tout aussi peu sympathiques l’un que l’autre, ne vivaient pas en bonne intelligence. Les surveillants de la déportation et de la transportation, recrutés soi-disant parmi les anciens sous-officiers, comptaient, à côté de quelques sergents authentiques, assez bonnes bêtes pour la plupart, tout ce que l’on peut rêver de plus canaille. Ils vivaient sur le forçat, l’exploitant de mille manières, comme le souteneur sur la prostituée. Avec le déporté, fier et méprisant son chiaoux, c’était autre chose ; aussi la rancune des surveillants rabroués se traduisait-elle par mille vexations et, même, au début, par des coups de revolver