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étaient les champions, l’un avec son courage et sa popularité, l’autre avec la force que lui donnaient ses millions.

Quel serait le vainqueur ?


IV

LE DESTIN JUSTICIER


Quelques mois plus tard dans la rade de Nouméa.

Devant la petite ville néo-calédonienne dont les maisons blanches à un seul étage, couvertes en zinc, réverbéraient les rayons d’un soleil aveuglant, la frégate la Guerrière venait de jeter l’ancre.

Les passagers et les marins, rassemblés sur le pont et heureux de la fin de cette traversée, qui avait duré trois mois et demi, se montraient les uns aux autres la chaîne des montagnes dans le lointain, plus près les hauteurs rougeâtres et arides dominant Nouméa : Montravel, le sémaphore, le cap Horn, la presqu’île Ducos s’avançant en pointe au nord-ouest et, fermant la rade, à l’ouest, l’île Nou.

C’était vers ce royaume du bagne que se tournaient la plupart des regards. Curiosité bien explicable ; la Guerrière lui amenait un supplément de population s’élevant à deux cent soixante forçats, nombre d’employés d’administration et de gardes-chiourmes avec leurs familles.

Entassés dans les cages des batteries basses, les condamnés attendaient, anxieux, leur baluchon sur le dos, l’ordre de monter sur le pont pour être débarqués dans leur nouvelle patrie. Amaigris, rasés, blafards dans leurs vareuses de toile matriculées, coiffés de larges chapeaux de paille et chaussés de lourds godillots, ces êtres, qui avaient été des hommes et qui n’étaient plus que des numéros, apparaissaient comme un troupeau effrayant, troupeau sinistre où