Page:Malato - La Grande Grève.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grouillaient les monstres, troupeau résigné que domptait la seule vue du surveillant.

Le plus souvent, les criminels sont des lâches. Tel qui a sans remords violé ou égorgé une enfant, étranglé une vieille femme, tremble devant le revolver du garde-chiourme.

La visite sanitaire était accomplie, déjà le débarquement commençait. Le capitaine du port et l’aide de camp du gouverneur étaient, avant même que la frégate jetât l’ancre, montés à bord porter au commandant les instructions du gouverneur : se débarrasser au plus tôt des forçats et des passagers et se tenir prêt à appareiller dans les quarante-huit heures.

Des troubles venaient d’éclater à Ambrym, dans l’archipel des Nouvelles-Hébrides, entre colons anglais et indigènes. Il importait qu’un navire de guerre français se montrât dans ces parages, l’archipel étant soumis à un condominium des deux nations européennes voisines et rivales en Océanie comme sur d’autres points du globe. Or, il ne restait de bâtiment de l’État en rade de Nouméa avant l’arrivée de la Guerrière qu’un aviso et deux canonnières. Aussi attendait-on impatiemment l’arrivée de la frégate.

Au milieu des coups de sifflet transmettant les ordres, les forçats montèrent sur le pont où ils furent tous aussitôt encadrés d’un corps de surveillants militaires et de Canaques de la police. Ceux-ci, vêtus sommairement d’un pantalon de toile, mais armés par contre de sagaies et de formidables casse-tête à bec d’oiseau, apparaissaient, avec leur teint cuivré et leur chevelure crépue rougie à la chaux ou traversée de plumes comme une légion d’êtres fantastiques. Agiles et musculeux, ils découvraient en riant de blanches et terribles dents d’anthropophages. Car ils riaient, heureux de voir les forçats, des blancs, frémir, humbles et désarmés, devant