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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/141

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reviendraient pour les fêtes de milamala et resteraient invisibles aux gens des villages, tout en étant capables de les voir. C’est ainsi que la fête annuelle devint ce qu’elle est.

Pour comprendre ces histoires mythologiques, il est indispensable de les confronter avec les croyances des indigènes relatives au monde des esprits, avec les pratiques auxquelles ils se livrent pendant la saison de milamala et avec la conception concernant les rapports entre le monde des vivants et le monde des morts, telle qu’elle s’exprime dans les formes indigènes du spiritisme[1]. Après la mort, chaque esprit se rend dans le monde souterrain de Tuma. À l’entrée, il passe devant Topileta, le gardien du monde des esprits. Le nouvel arrivant lui fait cadeau de quelques objets précieux, qui constituent la partie spirituelle des objets dont il était orné au moment de la mort. En arrivant parmi les esprits, il est accueilli par ses amis et parents, morts avant lui, et leur communique des nouvelles du monde d’au-dessus. Il inaugure alors sa vie d’esprit, qui ressemble à l’existence terrestre, bien qu’à sa description se mêlent parfois des désirs et des espoirs qui en font une sorte de vrai Paradis. Mais les indigènes mêmes qui le décrivent ainsi ne manifestent aucune impatience d’y parvenir.

La communication entre esprits et vivants s’effectue de plusieurs manières. Beaucoup de gens ont vu les esprits de leurs parents et amis décédés, surtout dans l’île de Tuma ou dans son voisinage. En outre, il a existé depuis un temps immémorial, et il existe toujours, des hommes et des femmes qui, en état de transe ou pendant le sommeil, font de longues expéditions dans le monde souterrain. Ils participent à la vie des esprits, leur apportent et emportent du monde souterrain toutes sortes de nouvelles, d’informations et de messages importants. Ils sont, surtout, toujours disposés à emporter, de la part des vivants, des cadeaux en nourriture et en objets précieux, destinés aux esprits. Ces gens attestent aux autres hommes et femmes la réalité du monde des esprits. Ils apportent également une grande consolation aux survivants qui sont toujours impatients de recevoir des nouvelles de leurs défunts.

  1. Nous avons déjà exposé ces faits dans un article, intitulé Baloma ; Spirits of the Dead in the Trobriand Islands (« Journal of the Royal Anthropological Institute », 1916).