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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/143

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J’ai présenté les faits et raconté les mythes d’une manière qui implique l’existence d’un schéma de croyances vaste et cohérent. Il va sans dire qu’un tel schéma n’existe pas, sous une forme explicite, dans le folk-lore indigène. Mais il correspond à une réalité culturelle définie, toutes les manifestations concrètes des croyances et des sentiments des indigènes, ainsi que de leurs pressentiments concernant la mort et la vie d’au-delà, se tenant et formant un grand ensemble organique. Les diverses histoires et idées que nous venons d’esquisser empiètent les unes sur les autres, et les indigènes insistent spontanément sur leur parallélisme et sur les liens qui les rattachent les unes aux autres. En fait, mythes, croyances religieuses et expériences concernant les esprits et le surnaturel font partie d’un seul et même sujet ; et l’attitude pragmatique correspondante trouve son expression dans des tentatives pour entrer en communion avec le monde souterrain. Les mythes sont partie d’un tout organique ; ils représentent un développement explicite, sous forme de récits, de certains points cruciaux des croyances indigènes. En examinant les sujets ainsi incorporés dans les histoires, on constate qu’ils se rapportent tous à ce qu’on pourrait appeler des vérités particulièrement désagréables et négatives : la perte de la faculté de rajeunissement, l’apparition de la maladie, la mort par suite de manœuvres de sorcellerie, la disparition du contact permanent entre les esprits et les vivants et, finalement, le rétablissement partiel des communications des uns avec les autres. On constate également que les mythes appartenant à ce cycle ont un caractère plus dramatique et forment un exposé plus conséquent, bien que plus complexe, du sujet auquel ils se rapportent, que ne le font les mythes relatifs aux origines. Je n’insisterai pas sur ce point, me contentant de dire qu’à mon avis cette particularité des mythes dont nous nous occupons ici tient à ce que les problèmes sur lesquels ils portent sont d’ordre plus métaphysique, ou, plus exactement, que traitant des destinées humaines ils font davantage appel au côté émotionnel des indigènes que les mythes relatifs à de simples faits sociologiques ou à des chartes sociales.

Quoi qu’il en soit, il apparaît avec évidence que si les mythes abordent ces sujets, ce n’est pas simplement pour satisfaire la