Aller au contenu

Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tels que la cueillette des noix de coco, la culture des bananiers, des manguiers et des fruits à pain, se font sans l’intervention de la magie. La pêche qui, dans l’ordre de l’importance, vient après l’agriculture, comporte, dans certaines de ses modalités, une magie très développée. C’est ainsi que la dangereuse pêche aux requins, la poursuite de l’incertain kalala ou du to’ulam sont, pour ainsi dire, noyées dans la magie. La pêche à l’aide de poisons, non moins vitale, mais facile et sûre, se fait sans magie. La construction d’un canoé, entreprise présentant des difficultés techniques, exigeant un travail organisé et s’effectuant en vue d’une occupation toujours dangereuse, comporte un rituel complexe et considéré comme absolument indispensable. Par contre, la construction d’une maison, qui présente des difficultés techniques tout aussi grandes, mais ne comporte ni danger, ni aléas, ni une coopération aussi complexe que la construction d’un canoé, se fait sans magie aucune. La sculpture sur bois, qui est une industrie de la plus grande importance, apparaît dans certaines communautés comme un métier très généralisé, qu’on apprend dès l’enfance et que tout le monde est capable d’exercer. Aussi dans ces communautés aucune magie n’est associée à l’industrie en question. Par contre, la sculpture artistique sur ivoire et sur des essences de bois durs, qui exige une habileté technique et artistique spéciale, inaccessible à tout le monde, comporte une magie qui est considérée comme la principale source de l’habileté et de l’inspiration. En ce qui concerne le commerce, il existe une forme d’échange cérémonielle, connue sous le nom de kula ; elle est entourée d’un important rituel magique, tandis que certaines formes de troc, moins importantes, d’un caractère purement commercial, ne comportent aucune magie. La guerre et l’amour, ainsi que les manifestations du sort et de la nature, telles que la maladie, le vent, le beau et le mauvais temps, sont, d’après les indigènes, régis entièrement par des forces magiques.

Cette rapide revue nous semble déjà autoriser une généralisation importante qui nous servira de point de départ. Nous trouvons la magie toutes les fois que la chance et l’accident, la lutte affective entre l’espoir et la crainte jouent un rôle prédominant. La magie est absente de toutes les occupations aux-