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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/147

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quelles on peut se livrer avec confiance et dans un sentiment de sécurité et qui se prêtent au contrôle des méthodes rationnelles et des procédés technologiques. En outre, on trouve la magie dans les occupations où le facteur danger joue un rôle considérable. Celles, au contraire, qui sont assez sûres pour rendre inutiles la prévision et l’appréhension, sont exercées sans magie. Tel est le facteur psychologique. Mais la magie remplit encore une autre fonction sociologique, très importante. Ainsi que j’ai essayé de le montrer ailleurs, elle constitue un élément actif dans l’organisation du travail et dans son arrangement systématique. Elle constitue également le principal moyen de contrôle dans l’exécution des jeux. C’est ainsi que la fonction culturelle intégrale de la magie consiste à combler les lacunes et à pallier aux insuffisances de certaines activités très importantes, mais qui échappent encore en partie à la maîtrise de l’homme. Elle s’acquitte de cette fonction, en inculquant à l’homme primitif une ferme croyance en son aptitude à réussir ; elle lui fournit également, toutes les fois que ses moyens ordinaires échouent, certaines techniques mentales et pragmatiques. Elle met ainsi l’homme à même de s’acquitter avec confiance de ses tâches les plus vitales et de garder sa lucidité d’esprit dans des circonstances où, sans l’aide de la magie, l’homme se sentirait démoralisé, désespéré, anxieux, en proie à la peur et à la haine, à l’amour non partagé, à la haine impuissante.

La magie est donc parente de la science, en ce sens qu’elle poursuit un but défini et intimement associé aux instincts, besoins et occupations humains. L’art de la magie vise à réaliser des fins pratiques ; comme n’importe quel art ou métier, elle est régie par la théorie et par un système de principes qui indiquent la manière dont l’acte doit être accompli, pour être efficace. Il existe, on le voit, entre la magie et la science un grand nombre d’analogies et nous pouvons, avec Sir James Frazer, dire de la magie qu’elle est une pseudo-science.

Examinons de plus près la nature de l’art magique. La magie, sous toutes ses formes, se compose de trois éléments essentiels. L’accomplissement des rites magiques comporte toujours certains mots, parlés ou chantés, certaines actions cérémonielles et l’intervention constante d’un ministre officiant. En analysant