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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/40

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les relations entre parents par alliance[1]. Toute la division en clans, en sous-clans totémiques, d’un caractère local, et en communautés villageoises est caractérisée par un système de services et de devoirs réciproques dans lesquels les groupes jouent le jeu de « donnant-donnant ».

Ce qu’il y a de plus remarquable dans la nature légale des relations sociales, c’est que la réciprocité, le principe du « donnant-donnant », règne d’une façon souveraine également à l’intérieur du clan, voire à l’intérieur d’un groupe de parents les plus proches. Ainsi que nous l’avons déjà montré, les rapports entre l’oncle maternel et les neveux, ceux entre frères, et même les rapports les plus désintéressés, ceux qui existent entre un homme et sa sœur, reposent tous sur la réciprocité et sur la rémunération des services. C’est en ayant en vue ces groupes de parents très proches qu’on a cru pouvoir affirmer l’existence d’un « communisme primitif ». Le clan est souvent décrit comme étant, dans la jurisprudence primitive, la seule personne légale, le seul organisme et la seule entité reconnue. « Ce n’est pas l’individu qui est l’unité, mais le groupe de parents ; l’individu n’est qu’un élément de ce groupe », dit M. Sidney Hartland.

Ceci est certainement exact, pour autant qu’il s’agit du domaine de la vie sociale dans lequel le groupe de parenté, clan totémique, phratrie, moitié ou classe, joue le jeu de réciprocité avec des groupes correspondants. Mais qu’en est-il de la parfaite unité à l’intérieur du clan ? À ce propos, on nous offre l’universelle solution qui consiste à affirmer l’existence d’un « sentiment de groupe », sinon d’un « instinct de groupe », particulièrement vigoureux dans la région du monde dont nous nous occupons et « habitée par un peuple dominé par un sentiment de groupe dans le genre de celui qui anime le Mélanésien » (Rivers). Ceci, nous le savons, est une manière de voir erronée.

  1. Ici encore je suis obligé de citer quelques-unes de mes autres publications, où ces questions sont traitées en détail, bien qu’à un point de vue différent de celui adopté ici. Je renvoie aux trois articles que j’ai publiés dans « Psyche » : The Psychology of Sex in Primitive Societies (Octobre 1923) ; Psycho-analysis and Anthropology (Avril 1924) ; Complex and Myth in Mother-right (Janvier 1925). J’ai essayé de décrire dans ces articles quelques aspects de la psychologie sexuelle, les principales idées et coutumes relatives à la parenté de sang et à celle par alliance. Les deux derniers articles font partie de mon ouvrage : La sexualité et sa répression dans les sociétés primitives.