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Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/63

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une sœur est, aux yeux des indigènes, un crime auquel on n’ose même pas penser, ce qui ne veut pas dire d’ailleurs qu’il ne soit jamais commis. La violation de l’exogamie par des cousins germains de lignée maternelle est une faute extrêmement grave et qui, nous l’avons vu, peut avoir des conséquences tragiques. À mesure que la parenté s’éloigne, la rigueur devient moins grande, et lorsque la violation de l’exogamie est commise avec une personne à laquelle on n’est rattaché que par les liens de clan, elle est considérée comme un péché véniel et facilement pardonnée.

C’est ainsi qu’en ce qui concerne cette prohibition, les femmes d’un clan ne s’opposent pas à l’homme comme un groupe compact, comme un « clan » homogène, mais comme un ensemble d’individus bien différenciés ; la nature des rapports qu’un homme peut avoir avec ces femmes varie de l’une à l’autre, selon la place qu’elle occupe dans la généalogie.

Au point de vue du libertin indigène, suvasova (violation de l’exogamie) est une expérience érotique particulièrement intéressante et tentante comme un fruit défendu. La plupart de mes informateurs n’admettaient pas seulement la possibilité de cette violation et celle de l’adultère (kaylasi), mais se vantaient d’avoir commis plus d’une fois l’une et l’autre ; et je pourrais citer à ce sujet quelques cas concrets, bien certifiés.

Je n’ai parlé, dans ce qui précède, que des rapports sexuels purs et simples. Le mariage à l’intérieur du clan est une affaire beaucoup plus sérieuse. Même aujourd’hui, alors que la rigueur de la loi traditionnelle se trouve considérablement relâchée, on ne connaît que deux ou trois mariages entre gens appartenant au même clan. Le plus fameux de ces cas est celui de Modulabu, chef du grand village d’Obweria, marié à Ipwaygana, célèbre sorcière, suspecte d’entretenir des rapports avec les tauva’u, méchants esprits surnaturels apportant les maladies. L’un et l’autre font partie du clan Malasi qui, chose remarquable, est connu pour la fréquence des incestes. Il existe un mythe sur l’inceste entre un frère et une sœur, et l’événement faisant l’objet de ce mythe et dont était née la magie d’amour se serait produit dans le clan Malasi. C’est également dans ce clan qu’aurait eu lieu, à une époque plus récente, le cas d’inceste le plus connu entre