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DUPLEIX ASSUME LA RESPONSABILITÉ DE SES ACTES

L’avis donné par cette dépêche que la guerre était imminente entre les deux grandes rivales européennes dans l’Inde et sur les mers, et l’injonction qui y était jointe de ne faire aucune dépense pour les fortifications dont l’état incomplet et peu satisfaisant était cependant bien connu de la Compagnie, dut frapper étrangement Dupleix. Non-seulement les fortifications n’étaient pas en bon état, mais du côté de la mer il existait un espace d’au moins mille toises (deux mille mètres) entièrement dépourvu de défenses. Opposant à cet état de choses la perspective d’une guerre européenne qui pouvait donner aux ennemis de la France la suprématie dans les mers de l’Inde, il sentit que son devoir comme Gouverneur de la ville de Pondichéry, dont il était responsable envers son souverain, devait primer tous les autres. Il enfreignit donc hardiment les ordres qu’il recevait. Il fit élever dans toute la longueur de la ville, du côté de la mer, un solide rempart précédé d’un fossé large et profond. Les travaux se poursuivaient nuit et jour, mais malgré toute la diligence qu’on y apporta, le rempart ne fut achevé que deux ans environ après l’explosion de la guerre avec l’Angleterre, et il fallut tout le génie, toute l’habileté de Dupleix pour préserver ses défenses inachevées de l’attaque d’une puissante escadre anglaise. Sa bourse et son crédit firent face à toutes ces dépenses, et ce fut aux mêmes sources qu’il puisa pour arriver à fournir des cargaisons aux deux navires envoyés par la Compagnie, et qui autrement auraient regagné l’Europe sans chargement. Quant à l’ordre de réduire les dépenses publiques il l’exécuta avec beaucoup de fermeté, mais l’avis qu’à lui seul était confié l’exécution des ordres de la Compagnie à cet égard, rendait sa situation particulièrement délicate, car, non-seulement il était privé de l’appui qu’il aurait pu trouver dans le Conseil, mais il devait craindre que les Conseillers vinssent, au contraire, apporter des entraves à l’exécution d’instructions qu’ils ne connaissaient pas et qui les traitaient avec si peu d’égards.

La conduite de Dupleix fut hautement appréciée par la Compagnie. Sa désobéissance, même à l’égard des fortifications reparées et complétées, parut obtenir son approbation, ce qui n’avait rien d’extraordinaire puisqu’il avait généreusement fourni les fonds