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SON ARRIVÉE À L’ÎLE DE FRANCE

Dans une heure funeste pour la France et pour l’Inde française, cet arbitre des destinées de sa patrie sous Louis XV expédia à La Bourdonnais, l’ordre de renvoyer ses vaisseaux en France, quand même il ne pourrait leur procurer de cargaison.

Pendant que ces choses se passaient, La Bourdonnais, bien loin de soupçonner ces influences occultes, était arrivé ainsi que nous l’avons vu à l’Île de France. Les nouvelles qui l’y attendaient étaient bien de nature à mettre en action toute son énergie. Dumas l’informait du danger dont l’attaque de Rhagogi menaçait Pondichéry, et réclamait un prompt secours. Déjà, pour répondre à son appel pressant, les autorités de l’île lui avaient expédié leurs garnisons. Convaincu de la nécessité de sauver Pondichéry à tout prix, La Bourdonnais ne séjourna qu’une semaine à l’Île de France et s’embarqua aussitôt pour cette colonie. Il apprit en y arrivant le 30 septembre que, grâce au tact et à l’habilité de son Gouverneur, cet établissement ne courait plus aucun danger, mais que Mahé était encore entouré d’ennemis. Il remit donc à la voile pour le théâtre de ses premiers triomphes et y eut bientôt rétabli l’ascendant français. N’ayant plus rien à faire dans l’Inde il regagna l’Île de France afin d’y poursuivre l’exécution des plans concertés avec le cardinal Fleury. Mais ce retour fut marqué pour lui par une de ces douleurs amères qui atteignent surtout les âmes fortes et les intelligences d’élite, lorsqu’elles voient leurs projets entravés par la faiblesse et l’incapacité. C’est alors qu’il reçut l’ordre de renvoyer ses vaisseaux en Europe ; il comprit immédiatement les conséquences de cet ordre ; il lui fallait abandonner toute prétention à la prépondérance dans l’Inde, assister, spectateur impuissant, aux triomphes des Anglais, peut-être se voir réduit faute de moyens de défense à devenir leur proie. Devant lui s’évanouissaient l’espoir de sa vie entière, le but de ses efforts, l’accomplissement assuré de sa légitime ambition. Mais que faire ? L’ordre était impératif. Il fallait obéir ! Avec une douleur, un déchirement que peu d’hommes ont éprouvé et que dut encore augmenter la réalisation de ses tristes prévisions, il fit partir la flotte ; mais en même temps il envoya sa démission en priant de pourvoir sans retard à son remplacement.