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ÉLÉVATION DU POUVOIR FRANÇAIS DANS L’INDE

tard. Il réussit à tel point que les vaisseaux qui, en partant de France le 5 avril 1741, étaient montés par des cultivateurs en guise de marins, et portaient des recrues sous le nom de soldats, arrivèrent à l’Île de France le 14 août suivant avec des équipages aussi capables que ceux qui manœuvraient à bord des vaisseaux du Roi, et des soldats aussi instruits dans tous les maniements d’armes que ceux qui combattirent à Fontenoy.

Mais il était dans la triste destinée des héros qui luttèrent pour établir un empire français dans l’Inde de trouver leurs principaux et leurs plus redoutables ennemis en France même. Le génie de Clive, la valeur persévérante de Coote et la bravoure presque oubliée de Forde, n’auraient pu réussir à renverser le solide établissement créé par les Gouverneurs de Pondichéry, si la France avait fidèlement soutenu ses enfants combattant pour elle. Mais la France de Louis XV ressemblait plus à la Médée de l’histoire ancienne qu’à une mère tendre et vigilante. Quand elle n’immolait pas ses enfants de ses propres mains, elle traitait les meilleurs et les plus braves comme des ennemis qu’il fallait traverser, duper, persécuter, réduire au désespoir, sans paraître apprécier le dévouement de ces hommes qui consacraient toute leur énergie, toutes leurs pensées à l’accroissement de sa domination. Le gouvernement français trahit donc son vaillant champion, il trahit l’homme qui, sans les actes de son gouvernement, aurait mis à profit la meilleure occasion de créer un empire français dans llnde et d’en bannir tous ses rivaux. La Bourdonnais avait à peine repris la mer, que de lâches intrigants, parasites inséparables des gouvernements corrompus, dont les calomnies n’auraient osé se produire en sa présence, insinuèrent que cet armement dispendieux était sans but pour la France et ne devait servir qu’à satisfaire l’ambition de son promoteur ; que la neutralité dans les mers de l’Inde était la seule politique à adopter, et ils communiquèrent aux Directeurs la conviction, qu’en cas de guerre, l’Angleterre serait disposée à accéder à une convention de cette nature. Des Directeurs cette clameur arriva jusqu’aux ministres. Le faible cardinal, alors âgé de quatre-vingt-dix ans et n’étant plus sous le charme de la présence de La Bourdonnais, lutta quelques jours, puis céda.