Page:Malleson - Histoire des Français dans l’Inde.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
LA BOURDONNAIS APPELÉ AU SECOURS DE PONDICHÉRY

avons déjà parlé, était venue croiser dans les mers de l’Inde et capturait de tous côtés les bâtiments de commerce français[1]. La Bourdonnais ne pouvait opposer aucun frein à ses déprédations, et comme pour ajouter encore à sa perplexité, un message de Dupleix vint, à ce moment de complète impuissance, le supplier d’aller en toute hâte, et avec toutes ses forces, au secours de Pondichéry.

On vit alors qu’il n’est pas de difficultés insurmontables pour un homme vraiment digne de ce nom. Porter secours à son compatriote, dans l’état de détresse où lui-même se trouvait, pouvait sembler impraticable. Cependant, il lui fut donné de prouver une fois de plus la vérité de ce vieil axiome : Rien n’est impossible au brave, non pas brave dans le sens étroit du courage personnel, mais dans l’acception la plus étendue de ce mot : brave pour supporter le reproche injuste, affronter la diffamation, le mécontentement et la haine ; brave pour vaincre le mauvais vouloir, pour mépriser le coup d œil insolent et l’hostilité de supérieurs de hasard, brave pour aller droit au but, en dépit de tout, de la raillerie, de l’insulte, de l’opposition déclarée, de la calomnie secrète. La Bourdonnais était un brave de cette sorte : aussi fit-il l’impossible !

Or, voici quel était l’impossible : sans vaisseaux, sans marins, sans troupes, sans autres ressources que celles qu’il avait créées dans la colonie, il lui fallait embarquer une armée, traverser l’Océan Indien couvert de croiseurs ennemis, éviter ou battre la flotte anglaise bien armée et bien montée, dégager enfin la capitale assiégée de l’Inde française. Pouvait-il, en frappant la terre du pied, faire surgir les hommes, les canons, les navires, le matériel qui lui manquaient ? Assurément, il était permis de voir là une impossibilité. Cependant, ne se laissant pas arrêter par ces redoutables apparences, La Bourdonnais entreprit avec une application calme et persévérante d’accomplir ce qui lui était demandé.

Pour réussir dans une pareille tentative, il fallait surtout savoir beaucoup oser, rejeter toute crainte de responsabilité, et employer, dans toute leur étendue, les pouvoirs dont il disposait. C’est ainsi que

  1. « Nous exécutons maintenant contre vous, disait le commandant Barnet à un capitaine de commerce français qu’il avait pris, ce que M. de La Bourdonnais avait projeté contre nous. »