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ÉLÉVATION DU POUVOIR FRANÇAIS DANS L’INDE

qu’elle fut assaillie par une de ces violentes tempêtes qui se produisent périodiquement dans l’Océan Indien. Ses navires, qui avaient jeté l’ancre furent entraînés et devinrent pendant trois jours le jouet des flots. L’un d’eux coula[1]. Le vaisseau amiral Achille perdit toute sa mâture, plusieurs autres furent sérieusement endommagés. Ils parvinrent enfin à trouver un refuge et la sécurité sur la côte Nord-Est de Madagascar, dans la baie d’Antongil, au centre de laquelle se trouvait une île déserte. Ce fut là, dans les conditions les plus contraires, sur une île marécageuse, insalubre, fortement détrempée par les pluies périodiques qui avaient commencé à tomber, que La Bourdonnais résolut de réparer son escadre. Les navires avaient cruellement souffert, les équipages étaient épuisés de fatigue, la côte présentait la plus grande difficulté d’abordage. La forêt qui devait fournir le bois se trouvait sur la terre ferme, à plus de deux milles du rivage. Elle en était séparée par un large marais où serpentait une rivière qui rendait les communications très-difficiles, mais dont la profondeur était insuffisante pour se prêter au flottage des bois. Lorsqu’enfin ces matériaux étaient parvenus au bord de la mer, il restait encore trois milles pour atteindre le mouillage. Néanmoins toutes ces difficultés furent vaincues. Un quai fut construit avec des pierres extraites de l’île ; des ateliers furent disposés pour la préparation des mâts, des cordages et autres agrès ; une route fut créée à travers le marais pour le halage des troncs d’arbres ; enfin on construisit de grossières embarcations qui servirent à remorquer jusqu’au mouillage les mâts et d’autres pièces de bois. Pour choisir les arbres et reconnaître les meilleures essences, La Bourdonnais dut pénétrer lui-même dans des forêts pestilentielles. Son exemple entraînait toute la flotte. Ceux mêmes qui, au premier abord, avaient témoigné du mécontentement, ne purent résister à son influence magique. Au bout de peu de temps, tous apportaient au travail une ardeur dont on n’aurait pu les croire capables quelques mois auparavant. En quarante-huit jours, toutes les avaries furent réparées, mais on avait perdu quatre-vingt-quinze Européens et trente-trois nègres, victimes du climat ou de

  1. Le Neptune des Indes, non compris dans la liste ci-dessus.