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ÉLÉVATION DU POUVOIR FRANÇAIS DANS L’INDE

sa course vers le Nord et le lendemain soir mouilla en rade de Pondichéry.

Une partie de sa tâche si difficile était donc accomplie : Pondichéry sauvé, la flotte française maîtresse dans les mers de l’Inde, Madras à découvert. Les rôles des deux parties belligérantes étaient maintenant intervertis. Celui de la France était de menacer, et celui de l’Angleterre de rechercher la neutralité. Quel serait le résultat final ? Le nabab du Carnate demeurant neutre entre les deux rivales, étendrait-il aux Anglais la protection précédemment accordée aux Français ? S’il n’en était pas ainsi, leur situation semblait presque désespérée. Madras, abandonné par leur flotte, n’ayant dans ses murs que trois cents Européens, ne possédait que des moyens de défense bien inférieurs à ceux de Pondichéry. Le gouverneur Morse n’était ni un Dumas ni un Dupleix. Au contraire, les Français avaient à leur tête, deux chefs, pleins d’intelligence, d’énergie, d’ambition ; l’un était un véritable homme d’État, habile dans le conseil, familiarisé avec toutes les souplesses de la politique, mais peu versé dans les choses de la guerre ; l’autre, grand dans le conseil, prompt dans l’action, accoutumé à commander, à se voir obéi, à renverser tous les obstacles, mais n’ayant pas encore donné la preuve qu’il sût aussi bien pratiquer l’obéissance. L’incertitude à cet égard formait le seul nuage visible qui obscurcît alors riiorizon de l’Inde française. Ce génie actif qui avait « conquis l’impossible, » créé des soldats et des marins, des navires et des canons avec lesquels il avait délivré Pondichéry, surbordonnerait-il cette grande volonté à la volonté d’un autre, son supérieur par le grade, mais dont jusqu’ici l’habileté ne s’était manifestée que dans les affaires commerciales ? À l’époque où La Bourdonnais jeta l’ancre devant Pondichéry, jamais l’ombre d’une contestation ne s’était élevée entre les deux Gouverneurs ; ils avaient agi indépendamment l’un de l’autre et leurs rapports avaient toujours été remplis de cordialité. « L’honneur du succès, écrivait Dupleix au commencement de l’année, vous appartiendra, et je m’estimerai heureux d’y contribuer par tous les moyens qui n’auront de valeur que par votre talent. » De son côté, La Bourdonnais s’exprimait ainsi : « Nous devons nous regarder comme