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PROTESTATIONS DE DUPLEIX

lorsqu’il apprit ces procédés. Pour arriver au but favori de toute sa politique, la destruction du pouvoir anglais dans le Carnate, il avait employé les prières, les avis, la persuasion, la force morale, le tout en vain. Il était attéré de l’impertinence de son rival ; il ne lui restait pas une seule ressource. Son autorité était méconnue, ses soldats envoyés à bord des vaisseaux de l’amiral, ses députés arrêtés et emprisonnés à Madras ; à ses instances on avait répondu par de froids refus ; l’affirmation de son autorité avait rencontré une dédaigneuse négation. Que lui restait-il à faire ? Il en aurait en vain appelé à Paris, aucune réponse ne pouvait arriver avant quinze mois, et La Bourdonnais ne pouvait, sans un péril extrême, rester quinze jours de plus sur la côte. Dupleix était irrité, ennuyé, non-seulement de l’anéantissement des vastes desseins qu’il avait conçus, mais encore de son impuissance à prévenir tout acte qu’il pourrait plaire à l’impérieux chef des forces navales et militaires d’exécuter. Tout ce qu’il pouvait faire c’était de protester, et c’est ce qu’il fit dans une lettre calme et digne[1] aussitôt qu’il reçut la nouvelle de ce qui s’était passé à Madras.

La Bourdonnais n’était pas lui-même à l’aise. Le mois d’octobre, mois fameux par les ouragans et les tempêtes qu’il amène sur la côte de Coromandel était maintenant arrivé. Il avait compris et toujours affirmé qu’il serait dangereux pour lui de séjourner dans la rade de Madras passé le 15 octobre. Cependant il avait été si absorbé par sa querelle avec Dupleix, qu’il s’était fort peu occupé d’embarquer le butin qu’il avait acquis. L’inventaire n’en avait

  1. Datée de Madras le 6 octobre 1746 du Conseil supérieur de Pondichéry à La Bourdonnais.

    « Monsieur, nous apprenons par la lettre du Conseil de Madraz du 4 du courant que vous avez fait arrêter MM. Bury, Paradis, Latour d’Argy et Changeat. Nos précédentes et ce que vous a intimé M. Bury ont dû vous prévenir que le corps de Pondichéry ne pouvait plus être sous vos ordres, dès lors que nous avions nommé un commandant à Madraz et établi un Conseil. Les choses étant sur ce pied nous pourrions-nous demander de quel droit, par quelle autorité vous les avez fait arrêter ? Mais nous sentons l’inutilité d’une telle démarche de notre part. Nous n’avons d’autre parti à prendre sur tout ce que vous faites, que d’attendre tranquillement quel sera le dénoûment de tout ceci.

    « Nous confirmons l’ordre à MM. du Conseil de Madraz, aux officiers et aux troupes de Pondichéry de ne pas évacuer la place de Madraz, et de ne point s’embarquer à bord des vaisseaux, à moins que vous ne les y forciez les armes à la main. Nous leur disons aussi, c’est-à-dire aux officiers et à la garnison, de suivre nos ordres pour le service de la place pendant que vous y serez. Ne nous sera-t-il jamais permis d’espérer qu’un rayon de lumière vous engagera à faire les réflexions les plus sérieuses. »