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LA BOURDONNAIS ET DUPLEIX

même pas été fait ; quitter Madras le 15 comme il l’avait projeté, c’était abandonner sans conditions sa conquête à Dupleix, et perdre pour lui-même, aussi bien que pour la France, le prix qui lui avait été promis comme rançon. À quoi lui aurait-il servi d’avoir méconnu les autorités de Pondichéry, si, après son départ, les mêmes autorités avaient pour agréable d’ignorer toutes ses conventions et de traiter Madras comme une conquête dont elles auraient seules le droit de disposer ? Et pourtant cette manière d’agir était bien la plus probable. — S’appuyant sur la force matérielle dont il disposait, il avait arrêté leurs généraux qu’il avait traités avec le plus grand dédain. Il avait trop l’expérience des hommes pour croire que quand la supériorité de la force serait de leur côté, les autorités de Pondichéry consentiraient à ratifier des engagements pris en opposition avec tous leurs ordres.

Ainsi donc au moment même de son triomphe apparent, La Bourdonnais sentait combien sa position était hasardée ; à moins qu’il n’en vint à une transaction avec Dupleix, tous ses plans seraient détruits, les billets souscrits pour la rançon, et pour sa gratification personnelle, ne vaudraient pas même le papier sur lequel ils étaient écrits. Mais en venir à un arrangement avec ceux qu’il avait dédaignés et méprisés lui semblait de toutes les tâches la plus impossible. Courber, abaisser son esprit hautain pour solliciter celui qu’il avait repoussé, lorsque, par affection, il le suppliait comme un frère, un ami, c’était une conduite qui répugnait à La Bourdonnais plus qu’à tout autre. Il était nécessaire pourtant de prendre une décision, et comme Dupleix pouvait attendre l’avenir, il fallait bien que les ouvertures vinssent de La Bourdonnais.

Il les fit ; mais non pas d’une façon ouverte et franche, en reconnaissant son erreur, ce qui aurait immédiatement rétabli les relations cordiales entre Dupleix et lui ; il s’engagea dans la route tortueuse que suivent ceux qui, ayant commis une erreur et voyant que cette erreur retombe sur eux-mêmes, sont encore trop esclaves de leur fausse vanité pour faire une sincère confession.

Voici donc le plan qu’il adopta : il chargea le commandant Paradis, qu’il avait fait arrêter, de sonder Dupleix, sur le point de