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LA BOURDONNAIS ET DUPLEIX

qui pouvaient le mettre à même de faire face à tous les événements ; il s’efforça en vain, quand le jour parut, de découvrir quelques traces de la flotte. Il n’y avait pas un vaisseau en vue. La tourmente continuait et vers huit heures du matin, elle sembla redoubler de violence. Dans toute cette journée, son anxiété alla cioissant d’heure en heure, mais il ne demeura pas inactif. Toutes les qualités du grand organisateur reparurent en lui dans tout leur éclat. Il envoya des compagnies, le long de la côte, avec des moyens de sauvetage pour les équipages qui pourraient être en détresse. À Madras même, il fit, sur une grande échelle, des préparatifs dans le même but. Il écrivit à Dupleix, pour lui dépeindre sa terrible anxiété et lui demander des nouvelles des vaisseaux de Pondichéry. En outre, toutes les chelingues ayant été détruites, il détacha des catimarons[1] dans l’après-midi, lorsque la tempête commença à s’apaiser, pour lui porter des lettres ; il décrivait l’état des choses à Madras et demandait les nouvelles qu’on pourrait avoir des vaisseaux. Il ne reçut aucune nouvelle avant huit heures du soir, et l’on n’aperçut aucune voile. À cette heure, il apprit que la Marie-Gertrude, prise anglaise, ayant à bord beaucoup de soldats, avait été perdue corps et biens entre Saint-Thomé et Covelang : qu’un navire démâté et un autre qui avait conservé ses mâts, étaient en sécurité à l’ancre devant Saint-Thomé ; qu’un vaisseau hollandais avait coulé devant ce même port et que deux petites barques de commerce avaient eu le même sort. Tout le jour suivant, ses inquiétudes ne firent qu’augmenter. À neuf heures du matin, il apprit que le Bourbon était à quinze milles au large, n’ayant plus qu’un mât et fatiguant d’une manière terrible ; que l’Achille était presque dans le même état et qu’un vaisseau dont on ignorait le nom, avait été aperçu totalement démâté. Chaque heure apportait avec elle de nouveaux désastres. À sept heures du soir, il annonça à Dupleix que le Bourbon était perdu sans ressources[2] et qu’il serait à peine possible de sauver une partie de son équipage ; que

  1. Un catimaron était composé de trois ou quatre pièces de bois, longues d’environ vingt pieds et reliées ensemble, sur lesquelles un homme naviguait à l’aide d’une pagaie.
  2. Il fut cependant sauvé.