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RETOUR À L’ÎLE DE FRANCE

vrai, quant au nombre des vaisseaux, mais très-supérieure en artillerie ; puis, s’étant ravitaillé et réarmé à Pondichéry, il avait repris la mer pour rencontrer encore une fois l’escadre anglaise. Celle-ci, n’osant pas accepter le défi s’enfuit devant lui et La Bourdonnais, ayant ainsi obtenu l’empire des mers, alla attaquer la forteresse des Anglais, sur la côte de Coromandel. L’ayant prise sans perdre un seul homme, il apprend bientôt l’arrivée à Pondichéry de trois vaisseaux de la Compagnie, armés en guerre. Quelle position cela lui donnait ! Conquérant de Madras, maître de l’Océan, sans entraves qui s’opposassent à de nouveaux progrès, ayant affaire à un Gouverneur de Pondichéry qui lui représentait sans cesse la nécessité de déposséder les Anglais de tout établissement dans l’Inde, il pouvait remonter l’Hougli, conquérir Calcutta et détruire le commerce anglais des mers de l’Inde. En agissant ainsi, il aurait accompli le véritable but de sa mission et aurait réalisé les rêves chéris de sa vie. Pourquoi donc ne le fit-il pas ? La réponse se trouve dans les circonstaoces que nous avons dévoilées. Ce fut, en partie, nous croyons même que ce fut surtout parce que, après avoir surmonté des » difficultés qui auraient découragé tout autre que lui, après avoir vaincu ses ennemis sur terre et éloigné ses rivaux sur mer, il ne s’était pas vaincu lui-même. Il y avait encore une autre raison sur laquelle il nous est impossible de garder le silence. Le prix promis par le traité de rachat de Madras, tout en n’influant peut-être pas ouvertement sur sa conduite, dut cependant stimuler, par son pouvoir démoralisateur, cet esprit orgueilleux et rebelle, et le poussa d’avance à s’opposer à tous les ordres qui rejetaient le traité qu’il avait conclu, et ensuite à assumer une attitude aussi provocatrice qu’inconvenante, aussi funeste aux intérêts de la France que préjudiciable à son propre honneur.

À l’époque dont nous retraçons l’histoire, il contemple pour la dernière fois les lieux témoins de ses triomphes. Ce n’était plus à lui qu’on demanderait de conquérir l’Inde. En arrivant à l’Île de France, au commencement de décembre, il y trouva installé comme son successeur M. David, avec l’ordre de laisser le commandement de la flotte à M. de La Bourdonnais, mais seulement dans le cas où les comptes de son gouvernement seraient trouvés en bon état.